RÉFLECHIR
Allons visiter notre Sœur,
la terre
L’encyclique Laudato Si’ est-elle d’actualité pour nous, Vincentiens ? Elle nous permet de réorienter notre regard, de le compléter et de l’élargir vers notre sœur, la terre, et vers toute la création.
Notre « Sœur Terre »
Saint François d’Assise avait établi une relation avec la terre, qu’il avait dénommée « notre Sœur », œuvre magnifique de Dieu. La rencontre avec notre sœur nous permet de mieux comprendre la relation établie avec notre frère et nous conduit à une rencontre vraie avec Dieu. La reconnaissance de l’altérité induit une considération mutuelle, entre deux personnes dialoguant, chacune à sa juste mesure. Nous pouvons mesurer notre proximité à l’autre en mesurant notre attention à la terre.
La terre, détériorée et blessée
« Cette sœur crie en raison des dégâts que nous lui causons par l’utilisation irresponsable et par l’abus des biens que Dieu a déposés en elle. Nous avons grandi en pensant que nous étions ses propriétaires et ses dominateurs, autorisés à l’exploiter. La violence qu’il y a dans le cœur humain blessé par le péché se manifeste aussi à travers les symptômes de maladie que nous observons dans le sol, dans l’eau, dans l’air et dans les êtres vivants. C’est pourquoi, parmi les pauvres les plus abandonnés et maltraités, se trouve notre terre opprimée et dévastée, qui ″gémit en travail d’enfantement (Rm 8, 22).″ » (LS, 2)
Les blessures infligées à notre sœur « Terre » le sont aussi à nos frères « Pauvres ». Elles sont d’autant plus graves qu’ils sont plus vulnérables. Comprenons-nous les causes et conséquences de ces blessures ? Peuvent-ils se défendre contre la pollution de l’air de nos villes, du sol de nos campagnes, des eaux ?
Anticiper sereinement les conséquences du dérèglement climatique et les migrations obligatoires dont ils sont l’objet ?
Comprenons-nous que nous avons le devoir de les accompagner comme nous accompagnons notre sœur « Terre » ?
« […] Si nous reconnaissons la valeur et la fragilité de la nature, et en même temps les capacités que le Créateur nous a octroyées, cela nous permet d’en finir aujourd’hui avec le mythe moderne du progrès matériel sans limite. Un monde fragile, avec un être humain à qui Dieu en confie le soin, interpelle notre intelligence pour reconnaître comment nous devrions orienter, cultiver et limiter notre pouvoir. » (LS 78)
La terre, pauvre et vulnérable
La terre nous apprend que nous aussi sommes vulnérables, peut-être sans nous l’avouer. « Aussi mettrai-je ma fierté bien plutôt dans mes faiblesses, afin que repose sur moi la puissance du Christ. » (2 Co 12, 9) Est-il plus facile de parler d’écologie, de pollution, de dérèglement climatique, que de respect des « Pauvres », parfois devenus tellement invisibles que prononcer ce mot, qu’ils revendiquent, semble impossible à beaucoup. Le pape François n’hésite pas à employer ce mot. Nous faisons tous partie du même corps (1 Co 12), qui serait incomplet et ne pourrait vivre, si une partie manquait. Les Pauvres sont « capables » s’ils sont mis en situation d’exercer cette « capacité », si nous les accompagnons dans cette dynamique :
« […] Quand la pensée chrétienne revendique une valeur particulière pour l’être humain supérieure à celle des autres créatures, cela donne lieu à une valorisation de chaque personne humaine, et entraîne la reconnaissance de l’autre. […]
En effet, on ne peut pas envisager une relation avec l’environnement isolée de la relation avec les autres personnes et avec Dieu. » (LS 119)
Saint Vincent de Paul et Frédéric Ozanam, bouleversés par la pauvreté
Confrontés, dans leur société, à la pauvreté et la fragilité, Monsieur Vincent et Frédéric Ozanam ont été touchés, bouleversés. Ils ont visité les pauvres et ont utilisé les moyens à leur disposition pour améliorer la situation de ces personnes. Cela a rebâti leur vie. Tout comme saint François d’Assise a accepté de rebâtir l’Église à son époque, le pape François nous appelle à rebâtir notre maison commune. À leur suite et à l’aide de ce que nous avons découvert en méditant Laudato Si’ , nous pouvons réorienter en Conférence notre attitude, pour que notre comportement soit aussi doux envers notre sœur la terre, qu’il doit l’être vis-à-vis du pauvre. « Apprenez-moi à pratiquer une grande douceur envers tous » , disait sainte Louise de Marillac.
Philippe Wasser, Diacre Permanent
Conseiller Spirituel, Sélestat
Qu’en dit la Règle ?
Plusieurs articles de la Règle de la Confédération Internationale de la Société de Saint-Vincent-de-Paul vont dans le sens de cet engagement convergent vers toute personne pauvre, et vers notre sœur la terre : L’adaptation aux changements du monde (1.6) ; La promotion de l’indépendance de la personne (1.10) ; La Société apporte une aide immédiate mais recherche également des solutions à moyen et long termes (7.1) ; Une vision de la civilisation d’amour (7.2) ; La voix des sans-voix (7.5).