UN APRÈS-MIDI AU SALON DE COIFFURE SOLIDAIRE DE VERNON
Changer de visage,
changer de vie
Shampoings, affiches… c’est un salon de coiffure typique. Mais ici à Vernon (Eure), ce sont des professionnels bénévoles qui mettent leur art au service des personnes démunies. Les tarifs sont assez abordables pour que chacun puisse soigner son apparence. La structure lancée il y a six mois par la mairie a été confiée à des associations, dont la Société de Saint-Vincent-de-Paul. Reportage.
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13 h
« Le salon de coiffure apporte un vrai plus aux gens que nous soutenons », estime Patrick Aimé, le président de la Conférence de Saint-Vincent-de-Paul, avant de s’engouffrer dans les escaliers de l’association Jeunesse & Vie où se trouve le local tout neuf, couleur framboise. Un parfum de shampoing s’échappe de la pièce. Les trois coiffeurs du jour, tout sourire, se tournent vers lui. « Alors c’est maintenant qu’on arrive ? » lance Alain Delcourt, « le patron. »
13 h 15
Lunettes rondes, chemise noire, Alain, le coiffeur retraité, peaufine la coupe de Mickaël, un Nigérian demandeur d’asile. Quand celui-ci, soucieux, l’interpelle en anglais. « Vous préférez plus court ? » Le client esquisse un geste. Le spécialiste s’exécute avec patience, entre deux gorgées de Coca-Cola. Mickaël se détend. Alain est à l’origine de tout : il se présente un beau jour de 2016 à la mairie, projet sous le bras. Deux ans plus tard, le salon de coiffure solidaire ouvre ses portes. Le retraité travaille d’abord seul. Puis il s’entoure d’autres professionnels bénévoles, dont Régine Stanicki, implantée en ville depuis 30 ans.
14 H
Régine qui « coupait déjà les cheveux de ses poupées » est aux commandes ; elle ne lâche plus son sèche-cheveux : « Je voulais accueillir des personnes qui ne pouvaient pas venir dans mon salon. Pour qu’elles se sentent belles. J’aime transformer les gens. »
La file d’attente s’allonge. Alain reçoit Soumaya et son mari Abdel : « Bonjour Madame, voulez-vous un peignoir ? » dit-il en l’orientant vers Régine : « C’est pour un « effilé » ? D’accord ! » La coiffeuse caresse l’épaisse chevelure. Sourires.
15 H
Soumaya passe au shampoing avec la troisième bénévole, Marie-Christine Piaso, qui discute et rit. « C’est important pour moi parce que quand je rentre, je ne parle à personne. C’est bien de savoir qu’on te met pas au rebut. » Debout derrière elle, Valérie, une mère de famille, attend. Elle a sacrifié sa longue chevelure ici trois mois plus tôt : « J’ai été opérée du dos, je ne pouvais plus laver mes cheveux. » Elle porte depuis une courte queue de cheval. Patrick, discret et chaleureux, l’accueille avec sa mère : « C’est à vous, Madame. »
15 H 30
Au tour du patron de raconter sa métamorphose : « J’étais coiffeur à 13 ans. Et puis je craquais mon fric au fur et à mesure. Pour gagner encore plus, je me suis lancé dans l’immobilier. Là, j’ai eu un grave accident, j’ai dû arrêter de travailler. Je me suis retrouvé sans ressources. J’ai fait deux tentatives de suicide mais le Bon Dieu m’a rattrapé. » C’était en 1995. Le coiffeur s’est converti au christianisme, il a littéralement changé de vie. Au salon, il rend un peu de ce qu’il a reçu, il offre aux autres une deuxième chance. Les personnes qui se relèvent de ces fauteuils ne sont plus tout à fait les mêmes.
Je voulais accueillir des personnes qui ne pouvaient pas venir dans mon salon. Pour qu’elles se sentent belles
EN SAVOIR +
Une chaîne de solidarité
Le salon de coiffure est situé dans un foyer de jeunes travailleurs de l’association Jeunesse & Vie. Cette structure se charge de l’entretien et du planning.
Elle partage la gestion et l’animation du lieu avec six autres associations : la Société de Saint-Vincent-de-Paul, le Secours catholique, les Restos du Cœur, le Secours populaire, Solidarité Partage, l’AVAP (Association vernonnaise). Ils ont réuni 2 000 € pour le projet avec l’aide des Kiwanis, d’une collecte en ligne et d’équipements issus de dons. Une économie qui contribue aux tarifs attractifs : 5-7 € coupe adulte (lundi), 1 € enfant (mercredi).
