RÉFLECHIR
Le temps présent, lieu de rencontre avec Dieu
L’équipe d’Ozanam magazine vous propose de découvrir dans ces pages de réflexion, une méditation du Père Anselm Grün sur le temps, qui peut être le lieu de rencontre avec Dieu si nous sommes pleinement présents dans l’instant.
Par Anselm Grün, moine bénédictin allemand, chroniqueur au magazine Prier
Aujourd’hui, on se plaint beaucoup de courir après le temps. Comme si le chronos – mot qui désignait pour les Grecs le temps qui nous mange, du nom du dieu qui a dévoré ses enfants – triomphait sur le kairos – le temps qui comble, le temps de la grâce. Comment pouvons-nous transformer le chronos en kairos ?
Le temps et l’instant
Le temps est mon ami si je vis entièrement dans l’instant. Jésus en est un vivant exemple. Jamais il ne se laisse entraîner à la précipitation. « Bousculer, presser, obliger quelqu’un à se hâter » se dit en allemand « hetzen », qui vient de hassen, c’est-à-dire « haïr ». Qui se laisse presser par le temps se hait lui-même. Jésus était tout entier dans l’instant présent. Lorsqu’un jour des mères lui amènent leurs enfants, les disciples considèrent cela comme du temps perdu. Mais Jésus prend ce temps. Il serre les enfants dans ses bras, leur impose les mains et les bénit (Marc 10, 16). Son secret, c’est de faire maintenant ce qu’il importe maintenant de faire, sans être déjà en pensée dans ce qui suivra.
Être présent à l’instant
Quand je me donne tout entier à ce que je suis en train d’entreprendre, quand je me consacre tout entier à la personne avec qui je suis en train de parler, j’ai un rapport agréable au temps. L’entretien est un plaisir. Je sais, bien sûr, que je ne pourrai pas m’entretenir indéfiniment avec cette personne, mais j’ai fixé des limites, et dans ce cadre temporel, je suis tout entier présent. Je dois fermer la porte de l’instant précédent pour accueillir pleinement l’instant présent. La porte du passé est-elle vraiment fermée ou bien encore entrouverte ?
Nous sentons bien la différence ! Si, par exemple, je suis en train de répondre à des e-mails et qu’arrive un collaborateur, je peux réagir de deux manières. La première : j’accueille le collaborateur, mais j’ai encore l’esprit à mon e-mail. Le visiteur, en fait, me dérange. La deuxième : mon esprit quitte franchement mes
e-mails, pour se consacrer à ce collaborateur, le temps qu’il faudra. Le plus souvent, il ne me faut pas longtemps pour résoudre avec lui le problème qui l’a amené. Mais si je n’ai pas auparavant « fermé la porte », la présence du collaborateur se prolonge, et mon impatience croît parce que je pense à tout ce qu’il me reste encore à faire.
Appréhender le temps avec calme
Il est clair que je n’aborde pas ma journée à l’aveuglette. Je sais à peu près ce qui m’attend. Mais il dépend de moi soit de m’en sentir oppressé comme par une menace, soit de m’en occuper dans le calme et la décontraction, traitant un point après l’autre. Et précisément, quand la journée est très chargée, j’essaye d’aller très calmement à la rencontre de ce que j’ai à faire. Je remarque alors que malgré mon lourd programme, je ne suis pas bousculé, mais qu’au contraire je reste calme, que je traite une chose après l’autre, et qu’à ma (bonne) surprise, il me reste du temps pour respirer et prendre plaisir aux intervalles entre les rendez-vous ! Et si je ne réussis pas à rester tout entier dans l’instant ? Je me demande à quoi cela tient. Et le plus souvent, c’est à cause de la pression que je m’impose en cédant à l’appréhension du travail à faire et aux attentes d’autrui. Je ne suis pas moi-même avec moi-même. Parfois aussi, je me rends compte que j’ai vu trop grand pour la journée en cours. Je prends alors cela comme un avertissement :
Rencontrer Dieu dans l’instant
Ce n’est que si je suis totalement présent que mon temps deviendra lieu de rencontre avec Dieu. Car Dieu ne se laisse trouver que dans l’instant. Dieu est l’Être véritable, celui qui, simplement, est. Et si je suis tout entier dans l’instant, hors de toute obligation de faire mes preuves, je vis alors la délivrance et le bonheur d’être, simplement. Si je suis, je suis en Dieu et ai part à Dieu, le pur et absolu présent.
Prier, le magazine mensuel d’accompagnement de votre vie spirituelle
Prier accompagne, forme, nourrit la vie spirituelle. Il va à la rencontre des grands témoins, fait connaître les initiatives d’évangélisation, exhume les plus beaux textes de prières. Anselm Grün et Martin Steffens participent à son école de prière tandis que d’autres chroniqueurs décryptent films et tableaux. Son livret personnel propose l’évangile de chaque jour commenté par les plus grands saints.
www.magazine-prier.fr