Daniel Fasquelle « Semons dans leur cœur l’espérance »
D’abord éducateur aux Apprentis d’Auteuil, directeur depuis 2002, Daniel Fasquelle témoigne de son expérience auprès des jeunes en difficulté. Sa mission : les accueillir tels qu’ils sont et ouvrir avec eux un chemin d’avenir, de réussite personnelle et professionnelle…
INTERVIEW
Pourquoi avez-vous choisi de travailler au service des jeunes en difficulté ?
Je suis entré à Saint-Cyr pour une carrière militaire, j’ai finalement quitté cette voie en fin de formation pour m’engager au service des pauvres d’une paroisse de Libreville animée par des Spiritains. Mon questionnement sur le sens de la vie et mon désir de vivre la réalité de la pauvreté avec eux, être au plus près de ceux qui souffrent étaient mon moteur. J’ai vécu au milieu des jeunes, cela m’a passionné et m’a beaucoup appris. Considérant qu’ils méritaient le meilleur de nous-mêmes, j’ai choisi de me former pour mieux les accompagner.Qui accueillez-vous aux Apprentis d’Auteuil ?
Ce sont bien souvent des jeunes en décrochage scolaire, certains en rupture totale avec l’école, mais aussi parfois des gamins très abîmés, placés par les services sociaux, car bénéficiant d’une mesure de Protection de l’Enfance. Je suis aussi touché par la détresse de certains parents, à la recherche d’une ultime solution pour leur enfant enfermé dans la spirale de l’échec, celles des familles vivant dans la précarité nous demandant une place en internat, cherchant parfois à soustraire leur adolescent à de mauvaises influences, à lui offrir un espace paisible où il pourra se construire normalement. à Blanquefort (33), nous accueillons également depuis le mois d’août des jeunes migrants arrivés seuls en France et donc privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille.Comment remobiliser un jeune qui n’y croit plus ?
En lui manifestant de l’intérêt, de la bienveillance et en étant aussi exigeant. Une exigence adaptée à ses capacités ! En équipe, nous avons ainsi permis à une jeune fille qui vivait en squat depuis deux ans, d’intégrer une formation professionnelle en l’accueillant inconditionnellement quand elle acceptait de venir en cours, en l’appelant en cas d’absence. Ces jeunes sont précieux à nos yeux. Cette espérance, cette patience, malgré les difficultés qui sont nombreuses, ce temps que nous leur offrons pour qu’ils progressent à leur rythme, c’est ce que nous essayons de porter et de manifester aux Apprentis d’Auteuil. Chacune de leur erreur, chaque manquement au règlement, chaque échec et chaque chute constituent une occasion supplémentaire pour les faire grandir et les appeler à donner le meilleur d’eux-mêmes.
Quels sont les enjeux ?
Il s’agit de leur permettre de reprendre confiance en eux, de sortir d’un chemin incertain, chaotique, parfois destructeur. Pour cela nous cherchons à bâtir avec eux une relation de confiance et de bienveillance, en dédramatisant aussi leur situation scolaire pour leur permettre de sortir enfin du découragement ou même de la révolte. Tout est question de relation et de liens, entre ces jeunes et leurs parents, les adultes et les institutions. Tout cela reste fragile… Aussi nous restons toujours disponibles pour ceux qui vivent dans une plus grande précarité, pour ceux qui, par manque de soutien familial ou d’estime de soi, ne se sentent pas en capacité d’intégrer le monde du travail. Nous répondons favorablement à toute demande de conseils ou d’aide d’anciens élèves qui, pour diverses raisons, ont interrompu leur parcours de formation après avoir quitté les Apprentis d’Auteuil.
Quelles valeurs leur transmettez-vous ?
Notre mission de chrétiens est d’annoncer la Bonne Nouvelle. Une Bonne nouvelle c’est forcément joyeux ! Nous croyons en vous parce que le Christ croit en vous. Il vous veut debout, heureux, pleins de vie, engagés, acteurs dans ce monde pour le rendre meilleur. Si nous n’annonçons pas cela dans nos établissements, alors cela ne vaut pas la peine de les accueillir. La qualité de notre accueil et de nos relations au quotidien est déterminante. Nos divers partenaires sont souvent étonnés de l’attitude respectueuse de nos jeunes, de leur politesse, mais aussi de leur franc-parler ! C’est le fruit de notre travail quotidien. Nous tâchons de les outiller pour qu’ils répondent aux exigences professionnelles dans le cadre de la classe, mais aussi à travers les stages et les rencontres que nous organisons avec des personnes du monde de l’entreprise. « La vie est un défi, relève-le », tel est le message essentiel de Mère Teresa que je leur transmets. Chaque semaine, j’interviens par le « mot du directeur » pour les appeler à devenir « quelqu’un de bien », à découvrir leur vocation à aimer et à se laisser aimer. Je suis convaincu qu’avec la grâce de Dieu, ces paroles porteront du fruit. Oui vraiment, n’hésitons pas à semer dans le cœur de ces jeunes des paroles d’espérance…
ET À LA SSVP ?
Une maison d’accueil
et de réinsertion
Le Centre d’Hébergement et de réinsertion Marja 92 est une association spécialisée de la SSVP, créée en 1980 pour les jeunes adultes, qui accueille, héberge et accompagne 28 hommes âgés de 18 à 30 ans en situation d’exclusion.
Dix-huit lits en collectivité, quatre lits en foyer de jeunes travailleurs, et six lits en studios individuels constituent cette maison d’accueil située à Colombes.
Les jeunes hommes accueillis à Marja 92 suivent un itinéraire d’insertion par l’hébergement. « Depuis ces trois dernières années, nous accueillons essentiellement des migrants, nous avons dû adapter nos méthodes et nos outils » explique Erik Fouquin, directeur de l’association.
Cette évolution des profils entraîne donc un travail sur la langue, mais aussi sur le statut de ces personnes, leurs ressources, la gestion du quotidien et leurs nouveaux repères en termes de culture et de religion, ce qui peut rendre au final le parcours d’insertion plus long. « Ce n’est pas plus difficile, c’est différent » explique le directeur.
Les jeunes sont accueillis six mois renouvelables et accompagnés dans leur projet d’insertion en matière de santé, d’emploi, d’épargne et de logement par deux éducateurs spécialisés appuyés d’une psychologue.
Au-delà de cet accueil matériel, les enjeux sont liés à la mission, c’est-à-dire la transmission des conditions et des usages d’un lieu ou d’un pays, du règlement de cohabitation en somme.
Les éducateurs du CHRS Marja 92 enseignent donc aux jeunes à gérer leur rythme de vie, leur rapport aux autres, les espaces différenciés ou lieux spécifiques pour telle ou telle activité. Les résidents disposent dans le centre d’une salle de sport, d’une salle de lecture avec un accès à Internet, d’un salon de télévision, d’une salle à manger et d’une cuisine équipée.
À l’issue de leur projet d’insertion, certains ont témoigné dans le livre d’or. Ainsi peut-on lire : « Depuis mon arrivée à Marja, j’ai pris conscience de l’importance de prendre sa vie en main. Même si mon contrat de séjour est en train de se terminer, je resterai toujours sur cette bonne lancée et je penserai toujours à la motivation sociale que vous m’avez donnée. » Et aussi : « Je suis arrivé ici sans rien dans les poches, un an après je repars avec un CDI. Merci ! »

SUITE DU DOSSIER "LES JEUNES ET LA PRÉCARITÉ : UN DÉFI À RELEVER"
Les spirales négatives et positives de la précarité
Les spirales négatives et positives de la précarité
Les jeunes et la précarité : Un défi à relever
Ils ont la vie devant eux et pourtant… Une partie de la jeune génération ne croit plus en l’avenir. Frappée de plein fouet par les crises et mutations de notre société, cette jeunesse-là, éperdue, connaît un phénomène de précarité particulièrement préoccupant…